Vous êtes manager d’une entreprise et un de vos employés vient se plaindre auprès de vous : son supérieur direct aurait un comportement harcelant à son égard parce qu’il est délégué syndical. Il vous explique que depuis qu’il est délégué, il n’est plus convié aux réunions qui le concernent, il n’a pas bénéficié d’une prime alors que d’autres collègues dans des situations similaires (ancienneté et évaluation) y ont eu droit. De plus, son supérieur lui fait des remarques désobligeantes,…
Vous discutez de la situation avec son supérieur qui vous explique qu’effectivement ce délégué le gêne parce qu'il ne cesse de l’interpeller pour des broutilles. Vous décidez de lui faire confiance et vous licenciez le délégué.
Avis juridique
En Belgique, la Cour Constitutionnelle a jugé qu’une protection est offerte pour l’expression des convictions syndicales : l'adhésion ou l’appartenance à un syndicat et l'activité qui est y menée doivent être considérées comme l'expression de la conviction syndicale de l'intéressé.
Dans ce cas-ci, il y a trois motifs de discrimination en lien avec le critère de la conviction syndicale.
- En prenant cette décision de licenciement, vous procédez à une distinction de traitement sur base de la conviction syndicale qui est un critère protégé par les lois antidiscrimination. Une telle distinction de traitement pourrait dès lors constituer une discrimination sauf si vous pouvez justifier que cette distinction obéit à un objectif légitime, à partir de moyens nécessaires, adéquats et proportionnés.
- Par ailleurs, les faits de harcèlement dont ce délégué s’est plaint pourraient constituer du harcèlement discriminatoire également prohibé par la réglementation antidiscrimination et la loi "bien-être". Or, en tant qu’employeur, vous engagez votre responsabilité si vous n’avez pas mis fin à une situation de harcèlement alors que vous en aviez connaissance. Le travailleur peut faire appel à la procédure interne et introduire une demande d'intervention psychosociale auprès de la personne de confiance ou du conseiller en prévention psychosocial.
- Enfin, le fait de ne pas avoir octroyé de prime pourrait être analysé également comme une discrimination directe sur base de la conviction syndicale sauf si vous pouvez justifier que cette distinction obéit à un objectif légitime, à partir de moyens nécessaires, adéquats et proportionnés (par exemple, si vous pouvez démontrer que ce refus de prime se justifie par d’autres motifs).
Avis au manager
Comment gérer une potentielle situation de harcèlement discriminatoire qui vous confronte à deux versions différentes ? Le licenciement est toujours un échec pour l’employeur et le travailleur.
- Il faut prendre du temps pour investiguer en interrogeant d’autres collègues, vérifier le motif pour lequel le délégué n’a pas reçu de prime, comprendre dans quelles situations les propos déplacés ont été tenus, etc.
Si ces faits s’avèrent réels, il vous revient de les gérer et de rappeler le supérieur de ce délégué à l’ordre (par le biais éventuellement d’un avertissement oral, écrit,… en fonction du règlement de travail).
- Vous pouvez également suggérer à la personne victime potentielle de harcèlement d'introduire une demande d'intervention psychosociale auprès de la personne de confiance ou du conseiller en prévention psychosocial.
- Le conseiller en prévention (interne ou externe) pourra également investiguer les faits, interroger les protagonistes et les éventuels témoins et il vous rendra un rapport dans les trois mois de l’introduction de la demande.
- Ce rapport pourrait vous aider à y voir plus clair d’autant qu'il contiendra des recommandations concrètes qui pourraient améliorer voire régler la situation à l'amiable.